Une fierté alterée [Libre]

Absolut Perfection marchait le long du chemin doré. Il avait trouvé son paradis mais... Il savait qu'il ne voulait pas, ou plutôt qu'il ne pouvait pas rester éternellement ainsi. Il lui aurait fallu... Un descendant. Même si ses filles étaient adorables, l'envie d'un hériter se faisait sentir, le taraudait de jour en jour.

Le bai observait les horizons encombrés de nuages. La douceur cotonneuse des ciels d'été avait été remplacée par la lourdeur des nuages bas et grisonnants. Le dominant de la Presqu'île savait qu'il voulait passer la main. Il était encore fort, et c'était le moment parfait pour élever un héritier. Il ne savait ni quelle jument porterait son poulain, mais il savait qu'il fallait que chacune assume son rôle de jument de son clan.

Il comptait faire quelque chose à laquelle il aurait pensé échapper encore, mais il pensait "engrosser" deux juments, au minimum. Mais ce n'était pas pour... L'affection ou le plaisir, mais pour l'importance de garder une dominance solide. Il aurait aimé en parler, au moins avec Exotic Amor. Elle serait furieuse mais elle serait la première, c'était sûr. Pas parce qu'il lui en voulait, plutôt parce que c'était elle qui accumulait autant d'affection de la part de l'étalon. Absolut était... Perplexe.

Celà faisait maintenant plusieurs semaines que la pie allait et venait de la presqu'île aux enciennes terres. Décidément, y'avait pas photo. La presqu'île était le seul endroit plein de couleur. Ca en faisait presque mal aux yeux lorsqu'on revenait de ces terres ternes et noires.
Mes jambes étaients noires par la suie que mes jambes avaient parcourues. En arrivant dans un petit galp rythmé mais calme, je secoua mon encolure afin de me débarasser de toute la poussière malsaine qui était emprisonnée dans mes poils.
Un long soupir s'achappa de mes entrailles, et je pris le pas, mes sabots claquant sur le chemin doré. La végétations étaient là, si belle soit-elle.
Je ronfla bruyament des naseaux et m'arrêta un instant, arrachant une touffe d'herbe sur la bordure du petit chemin.

Absolut était plutôt calme et observateur. Tout allait bien, pas de prédateur, ni d'opposant du moins pas pour le moment. Une odeur veloutée lui vint aux naseaux et un fin sourire s'installa sur ses lèvres.

L'étalon se tourna vers Exotic Amor. Son odeur était si reconnaissable qu'il savait qu'il allait voir la robe neige et cuivre. S'approchant d'elle, Absolut Perfection ronfla doucement, lui indiquant sa présence mais aussi le fait qu'il voulait lui parler.

"Bonjour Exotic... Je vois que tu as été sur le continent et qu'il est toujours en aussi mauvais état. Je suis content de te voir, j'aimerais te parler de quelque chose..."

Il fallait qu'il lui dise sans attendre ou alors il ne pourrait pas prendre comme il voulait la décision de lui demander quelque chose d'aussi délicat.

"Je commence à aller sur l'automne de ma vie, tu sais... J'aimerais beaucoup... Ne pas laisser une image de vieux dominant croulant. A vrai dire je songe vraiment à... Avoir un héritier. Je voulais t'en parler à toi avant tout puisque tu es celle que je considère comme la plus proche de moi."

Il se demandait si elle avait bien saisi le sens de son propos.

Un large sourire apparu sur mes lèvres lorsque je croisa Absolut. Le regard joyeux et presque amoureux, je me rapprochais de lui rapidement. Frottant avec rapidité mes naseaux sur sa joue.

« Bonjour Absolut! En effet, j'aurais presque l'impression que c'est pire qu'avant. Oui? Je t'écoute. » disais-je avec un doux sourire.

Je m'impregnait discrêtement de son odeur, envoutante.
J'écoutais ce qu'il avait à me dire. J'étais tout d'abord touchée par le faite qu'il me considère comme étant la plus proche de lui. Mais l'autre sens de sa phrase me gênait.

« Ecoutes Abso... Je... Je suis touchée par le fait que tu me considère comme étant la plus proche de toi, mais je comprends aussi l'autre sens de ta phrase et... J'aimerais te rendre ce service mais j'aurais besoin de sincérité... Et ne pas le laisser fasse au danger. On ne sait pas comment va tourner ce monde. » disais-je.

C'était plutôt délicat ce que je disais. J'en avais envie, mais le fait qu'il soit dominant et qu'il n'y ai aucune envie par derrière me dérangeait.

Absolut eut un petit sourire, discret mais amusé à la fois. Bien sûr qu'elle pensait qu'elle ne serait qu'un moyen de lui faire une faveur.

"Tu as compris que c'était une faveur, Exotic, mais tu n'as pas compris que... Si je te demande à toi, ce n'est pas pour rien. J'aimerais que tu sois à mes côtés, vraiment. Pas seulement en tant que connaissance, mais en tant que dominante."

Et voilà, c'était lâché, comme un pavé dans la mare.

"J'ai énormément d'affection pour toi, tu le sais. Et c'est bien plus qu'une forte amitié. Si j'aimerais avoir un héritier, c'est aussi en partie pour laisser une trace indélébile d'un couple dominant soudé. Pas seulement d'un étalon et son harem, même si c'est un peu le cas tu le sais. Tu es celle qui prime." dit-il avec un petit sourire.

Absolut Perfection ne savait pas si elle s'y attendait, lui avait mûrement réfléchi, pendant des jours et des jours.

"Mais si tu ne veux pas, sache que tu auras quand même ta place dans le clan, n'en doute jamais."

Mon coeur se mit à battre si fort... Je ressentait un sentiment nouveau, impossible de le décrire. Ce n'était plus qu'une simple chaleur au coeur que j'avais, mais il venait de s'embraser sous l'effet de la surprise et de la joie. Je le regardais alors avec un air attendrie, ne trouvant plus les mots.

« Abso... Je ne peux qu'accepter. Partager la vie avec celui qu'on aime, on ne peut le refuser n'est-ce pas? » disais-je avec la gorge serrée par l'émotion.

Je le regardais, profondément, m'approchant une nouvelle fois de lui, posant mes naseaux contre les siens, glissant ma joue lentement contre la sienne, gardant ma tête collée contre celle d'Absolut, fermant les yeux un instant.

« Je t'aime. » murmurais-je doucement.

Le coeur d'Absolut se serra en la voyant si tendre. Elle lui rappelait sa mère, dans sa façon d'être douce et entière à la fois. Il soupira et l'observa, sans rien dire un moment. C'était une sensation étrange mais plutôt agréable. Elle était d'accord et cela semblait la combler.

Absolut se demandait si à présent, Exotic se montrerait plus jalouse et "méchante" avec les autres juments du clan. Elle en avait le droit, théoriquement, puisqu'elle était dominante. Aussi bien la fille d'Absolut que les autres pourraient être congédiées, puisqu'elles étaient des menaces. Mais l'étalon n'imaginait pas la pie comme ça. Elle n'était ni sournoise ni hostile, du moins il ne pensait pas. C'étaient des histoires de crêpage de chignon, pas son lot quotidien.

"Je suppose que cet accord prend effet tout de suite" dit-il avec un petit rire taquin.

"Je suis heureux de voir la presqu'île offerte à ce clan. Nous le méritons, toi et moi le savons mieux que personne puisque nous avons vu l'abomination de la catastrophe. Je suis vraiment ravi que tout aille bien. Et que visiblement, cela continue à l'avenir. Même si le temps se fait plus frais, nous allons pouvoir subsister cet hiver. L'herbe est dense et les abris nombreux."

Je ris joyeusement lorsque ce dernier lâcha un rire taquin. Je regardais autours de nous. Les générations futures seront bien ici.

« Oui mais, cet hivers sera certainement très rude. Espérons que les poulains le passeront sans conséquences... » disais-je, sceptique.

« Tu as laissé le harem sans surveillance? » demandais-je alors en me tournant vers Absolut.

Je n'avais pas perdu ce regard doux et tendre, et j'avais même presque du mal à calmer mon exitation. Je m'ébrouais un instant, levant mes yeux vers l'Astre d'Or qui ne réchauffait pas tellement l'athmosphère. Il faisait plutôt froid.

"Pour l'instant oui" dit-il simplement "Aucune d'entre elle n'est manchot, et puis je ne vois pas trop ce qui pourrait arriver, elles ne sont pas loin. Si il y avait un problème, en quelques secondes j'accours, comme un chevalier servant" acheva t-il dans un rire.

Marchant doucement le long de la presqu'île, Absolut frissonna quelque peu. Il y allait y avoir un coup de froid dans peu de temps, c'était connu. Lorsque le ciel n'avait aucun nuage, lorsque seul le soleil se montrait dans l'immensité bleu, c'était un signe de froid le lendemain.

"Je me demande si il n'y aura pas de la neige tôt cette année. Si les poulains ont froid, nous chercherons une partie de la forêt plus dense, pour que le froid nous saisisse moins. Mais ils développeront un poil d'hiver plus chaud, ça leur sera utile dans leur vie."

Il eût un sourire furtif. Oui, il était plutôt fier de lui. Aussi bien parce qu'il avait réussi à être à la tête d'un territoire prospère, autant parce qu'il avait des réflexes de plus en plus sages et réfléchis. C'était la sagesse de la vieillesse qui s'immisçait, peu à peu.

Je réagissais alors à sa seconde phrase:

« Tu connais la presqu'île par coeur n'est-ce pas? » demandais-je dans un sourire.

Mes yeux se posèrent alors sur la ligne d'horizon, qu'on pourrait définir comme étant le "lointain" de ce territoire. Je me remit alors à penser à Loving Angel, ma chère soeur. Le lointain du territoire, mais aussi du temps. Je m'étais habituée à cette absence. Mais je gardais tout de même cette impression, d'avoir été "sevrée" bient rop tôt de ma soeur. Elle me manquait oui. Mais la vie continue, et si elle avait du mourir dans ces coullées de boue, alors sa Destinée avait déjà été toute trassée.

Et moi? Comment se terminerait ma vie? Comment mourirais-je? J'avais eur de cette question, mais surtout de sa réponse, que je découvrirais le jour venu.

"Par coeur, je ne peux pas dire ça tu sais... Ce serait un peu prétentieux. Et il y aura de magnifiques endroits cachés à jamais dans la presqu'île, je le sais."

Il marcha puis s'arrêta, face au continent.

"Tu as l'air... Nostalgique." dit Absolut Perfection à Exotic, s'approchant doucement d'elle. "Je pense qu'il faut aller de l'avant. Ces terres ne vont pas se peupler seules." dit-il en effleurant le ventre de la pie

Il s'éloigna en trottant et piaffant, réchauffant ainsi son corps transi par quelques coups de vent froid. Partant au galop, il parcouru une bonne partie de la plage, puis s'arrêta tout net et s'éloigna dans l'autre sens.

"Fait vraiment pas chaud."

Absolut me sortie de mes pensées. Mais je ne répondis pas. Je pris un pas léger, le suivant avec une petite distance. Le vent soufflait. Il avait raison. Il ne faisait vraiment pas chaud. Je partie, la tête basse. Cette pensée m'avait décidément calmée.

L'herbe frémissait, les arbres dansaient. Le rythme de mes pas se faisait alors entendre, en direction d'une terre que je ne connaissais que trop...

[Fin]

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