Rentres chez toi, et oublie moi. [Altaïr]

Il pleuvait aujourd'hui. Une pluie battante, martelant le sol, le mouillant, transformant la terre en boue collante. Le soleil semblait s'être soumis aux nuages noirs aujourd'hui. Mais serait-il le seul à se soumettre aujourd'hui? C'était une question à laquelle on pourra répondre plus tard.
Les arbres dansaient sous le souffle puissant du vent, et ce dernier emportait mes crins sel et poivre, me guidant avec presque une extrême douceur malgré le temps, vers un territoire où j'allais rarement: la Plaine de la Menace. Je n'en avais aucunement peur. Au contraire, j'avais presque une attirance pour ce lieu, malgré le peu de fois où je m'y rendais. C'était plus de la prudence. Mes jambes musclées me menaient donc droit sur cette plaine, aux abords sinistres et tristes.
Les gouttes ressemblants intensément à des perles de pluie glissaient doucement sur mon corps, épousant mes formes délicates et arrondies. La naissance de ma queue se dressa, la mettant ainsi en panache, joliment, et j'arquais mon encolure en prenant un trop délicat. Cette plaine était réputée pour être un endroit propice aux combats et aux saillies. Mais il n'y avait pas âme qui vive.

Je m'arrêtais au milieu de la plaine, observant les alentours. J'étais visiblement seule. Je repris un pas lent, calme, pensant alors à quand serait le prochain Conseil que je donnerais au clan Marrak. La prochaine demie-lune peut être? Elle serait sans doute dans quelque jours, et j'avais de quoi dire. Tout d'abord, mettre en garde les miens qu'une jument avait enfreint les frontières. Une Ynae. Une cremello. Ainsi, chacun serait vigilent. Et si cette jument revenait sur nos terres, les étalons s'en occuperaient. Certains la chasseraient, d'autres ne la laisseraient pas repartir sans une saillie. Enfin bref, j'étais confiante dans ce sens là. En plus, je veillais continuellement sur le troupeau ainsi que sur le territoire Marrak. Le point positif était qu'il fallait connaître le coin par cœur pour ne pas risquer de se perdre, ou même de mourir. Nos terres sont les plus arides du coin, mais aussi.... les plus traîtres. Il y a certains endroits où il fallait faire attention où on pose le sabot, au risque d'une chute mortelle. Mais ça, seuls les Marrak connaissaient leurs terres par cœur.

Mais j'étais aussi consciente qu'au sein même du clan, certains étalons s'étaient ralliés à moi dans l'unique but d'obtenir la libération des juments afin d'assurer leur descendance. Mais j'avais aussi des fidèles. Ceux qui demandaient la réelle libération des condamnées, comme je les appelais, par pur plaisir de les voir libres. Quant aux juments Marrak, très peu en nombre, elles étaient très proches de moi dans mes idéaux et ma façon de penser. Je prenais souvent de leurs nouvelles, parce que je savais que vivre dans une communauté où pas mal d'étalons sont des brutes n'est pas de tout repos. Mais elles tenaient le coups, parce que pour certaines, c'était de leurs mères, leurs sœurs qu'il s'agissait de libérer. Et elle était de vraies guerrières avec cette pensée. Parfois même elle appréciait la vie commune avec les étalons. Certains leur apprenaient pas mal de techniques. On était plutôt une grande famille avant d'être un clan. On était uni chaleureusement, par une même cause.

C'est sous une pluie battante que j'avançais dans la plaine de la Menace, endroit aride, mais pas autant que le désert Marrak, où l'herbe peine à s'épanouir, et où le soleil aime beaucoup jouer à cache-cache avec les nuages. Étrange lieu que celui-ci d'ailleurs. Une plaine où l'herbe meurt.

J'avais quitté mon territoire assez tôt le matin, pour venir ici. Mes sabots s'enfonçaient dans la boue. C'était désagréable. Mais j'aimais le son de la pluie et le contact de l'eau sur mon corps musclé. J'arquai mon encolure et ronflai bruyamment, piétinant le sol mouillé. Prenant un trot actif, les muscles roulant sous ma peau, je relevai la tête et humai l'air. Il y avait quelqu'un d'autre ici.
Je m'arrêtai. Il y avait une jument ici.

Secouant mon encolure en faisant valser mes crins charbonneux et trempés, je repris le pas, la queue en panache, bien qu'elle ne ressemblait plus à rien. Les oreilles droites, je cherchai l'effluve féminine entre d'autres odeurs, puis me suivis la trace qui me mena à voir une silhouette au loin. Une silhouette claire. C'était bien une jument.
Abaissant légèrement mon encolure, j'hennis doucement, signalant ma présence.

Immobile à présent, je restais tout de même sur mes gardes. On ne sait jamais sur qui j'allai tomber ...

Et cet étalon allait très rapidement le savoir. Un hennissement m'interpella, venant de derrière. Je m'arrêtais. Il semblait ne pas m'avoir reconnu. Pourtant, j'étais des siennes il y a encore quelques temps. Je pivotais délicatement sur mes sabots, lui faisant désormais face. Allait il se souvenir? Je n'en doutais pas le moins du monde puisque je m'attendais à percevoir une lueur surprise dans son regard noir. J'étais elle. Celle qui avait refusé de se soumettre à lui. Celle qui avait voulu la liberté, et qui désormais s'opposait à sa tyrannie. Un sourire amusé se dessina doucement sur mes lèvres. Cette rencontre s'annonçait prometteuse et intéressante. Je ne me laissais cependant pas distraire: gardant ma queue panachée, je ne lui donnais aucune preuve de soumission, gardant une allure digne d'une meneuse. Je savais pourtant de quoi il était capable, mais au fond de moi, la folie me disait de préserver ma dignité, ma liberté, et mon image. J'étais celle que j'avais toujours été, refusant les règles.

« Tiens donc... » faisais-je d'une voix enjôleuse et suave, presque dragueuse.

Je l'observais, impassible. J'espérais qu'il m'ait reconnu. Oh que oui je l'espérais. Parce qu'il était loin de m'oublier.
Une fine mèche de ma crinière retombait sur mon chanfrein, le reste longeant mon encolure, je décidais de m'ébrouer pour chasser le trop d'eau, ne quittant pas l'adversaire du regard.
Qu'allait-il se passer à présent? Seul le temps nous le dirait.

- Elynwee.

Ce nom avait traversé mes lèvres dans un souffle rageur. Pourtant, même si je bouillonnais intérieurement, je restais impassible. Elle restait droite et fière la gamine. Droite et fière. Un sourire amusé vint à mon tour étirer mes lèvres. Je penchai légèrement la tête sur le côté. Droite et fière. Et rebelle. Avait-elle pris un peu de moi ? C'était tout à fait possible.
Mon corps ruisselait d'eau. Je mis un postérieur au repos, et redressa l'encolure.

- Comment vas-tu depuis le temps ?

Prendre des nouvelles, prendre des nouvelles. Le calme avant la tempête. Oui. Le calme avant la tempête.
Je m'approchai de quelques pas, et m'arrêtai à un mètre respectable de la jument. Cette fille indigne d'être de moi ... Mes oreilles se retournèrent vers ma croupe et je plantai mon regard dans le sien, droit et fier moi aussi. Droit et fier, toujours.

Je ne bougeais pas d'où j'étais. Cet étalon était mon père, de sang, un traitre, de cœur et de lien. J'avais en effet pris de ce côté que l'ont pouvait qualifié de " Royal ", une posture digne d'un Chef, son impassibilité et sa froideur était ancrés eux aussi dans mes gênes. L'idée d'être sa fille me répugnait. Mais après tout, on ne choisit pas ses parents, tout comme eux ne choisissent pas leur enfants. Mais généralement, si ils en font, ils en veulent, alors ils savent à quoi s'attendre. Le bai prononça mon nom. Cela ne pu que accentuer mon sourire. Mais je resta silencieuse, parce que je savais que les mots ne s'arrêteraient pas là. J'attendais, patiente, comme un cougar chasse sa proie.

Mon regard planté dans le sien accentuait encore plus mon refus de soumission. Provocante non? Je l'étais à la fois dans mon caractère mais aussi dans le physique. J'étais fière d'une chose: je n'avais hérité rien de lui à part les yeux noirs. Mais nos yeux, ont ne les voit pas nous même alors, aucun soucis à ce niveau. Ma queue panachée fouettait fougueusement l'air, la pluie continuait à s'abattre sur le territoire. Au loin, sur la ligne d'horizon, des éclairs s'animaient. Mais on ne pouvait encore discerner le tonnerre. Mon attention se reposa alors sur l'étalon, lorsque ce dernier me demanda comment j'allais.

« Alors tu te soucis du bien être de tes enfants maintenant? Je vais bien. Mais je ne te remercierais pas de t'en inquiéter pour la simple et bonne raison que tu n'oseras pas me faire croire que ça t'intéresse. » déclarais-je calmement.

Il y avait de la haine et du caractère derrière ces paroles. Mais de l'intelligence aussi. De la sournoiserie. Je ne lui retournerais pas la question. Je n'étais pas hypocrite et reconnaître que sa santé ne m'intéressait pas n'était pas un dur labeur.
Il s'approcha un peu. Il ne semblait pas oser. Moi je le fis. Je fis même mieux, m'approchant avec une allure aguichante, je me mis à lui tourner autours, dans un trot aérien. Allait-il passer à l'action? L'envie de me saillir le prendrait-il? Ou l'envie de m'attaquer? Je n'avais jamais testé les limites de mon paternel. Il était temps de le faire.

Je passais au dessus de ses reflexions. Elle jouait la carte de la provocation. Elle désirait surement que réponde. Et bien non, je ne lui ferais pas ce cadeau. Après tout, pourquoi obéirais-je à ses demandes silencieuses ? C'était une forme de soumission ... Très peu pour moi.
Je ronflai légèrement.

- Et si ça m'intéressait ? Connaître l'état mental d'un adversaire peut être un atout.

Je ne quittais pas son regard. Et souriais.
Ma queue vint fouetter mes flancs quand elle se rapprocha. A quoi jouait-elle ? Je compris bien vite quand elle vint se pavaner autour de moi, comme une cruche, une p... Restons poli.
Ainsi donc, elle me testait. Certes elle était très aguichante, mais c'était quand même ma fille. Je ne me risquerai pas à faire une descendance transgénique. Cependant, je promenais mon regard sur son corps, dressant les oreilles et secouant un peu la tête. Puis, dans un autre sourire, sournois, la regardant de haut, je lançai :

- Je t'ai bien réussi.

Autant dans le caractère que dans le physique. Ma foi, je préfère mes filles ratées, que cette jolie demoiselle farouche.

- Par contre, tu manques un peu de respect.

Je fis la moue, déçu.

Un sourire farceur, et amusé animait mon visage, farouche, obstiné. Oreilles dressées, j'écoutais les paroles de mon père. Ses réponses sonnaient toutes plus débiles les unes que les autres. Mais je lui pardonnais. Tout le monde n'avais pas un idiot en guise de père n'est-ce pas? Je pris le temps pour lui répondre, laissant défiler le temps, laissant le suspens s'installer, continuant de lui tourner autour avec agilité et grâce.

« C'est pourquoi je ne t'en dirais pas plus que " Je vais bien". Cesse de me prendre pour une idiote, je suis loin d'en être une. » déclarais-je avec un peu plus de fermeté à la fin de la phrase.

En passant derrière lui, je fourrais mes naseaux dans les crins ébènes de sa queue, soufflant un air chaud avant de les retirer, continuant mon cercle décrit autours de lui. Son compliment m'alla droit au cœur. Moi jolie? Oui, je le savais, pas besoin de me le dire. Cependant, je répondis posément:

« Tu ne m'as cependant pas fais tout seul. »

Mes flancs frollèrent les siens à plusieurs reprises, et dès que ma croupe passait sous son nez, je panachais encore un peu plus ma queue grisonnante.

« Hmmm.... Que dit le proverbe déjà? Respecte ton prochain et il te respectera en retour? Cela sonne étonnamment faux avec toi. Pourquoi te devrais-je le respect alors que tu ne m'en as jamais donné? Et j'avoue ne pas voir en quoi je te manque de respect. »

Oui, je jouais l'innocente. J'aimais ça. J'aimais entendre la raison sortir de la bouche des autres. Mes sabots continuaient de laisser leur marque dans la boue, la pluie commençait à s'estomper, laissant apparaître des gouttes plus petites. Il pleuvait aussi bien moins fort.

Je n'avais rien demandé, rien dit, et voilà qu'elle devenait une vraie peste. Pfouaah ... Et dire que c'était ma fille. Je détournai mon regard d'elle, une mine dégoutée collée au visage.
Arrêter de la prendre pour une idiote ? Mais c'était drôle, pourquoi j'arrêterais ? Elle n'avait aucun sens de l'humour. Ou peut être qu'on ne partageait pas le même humour ... Elle panacha sa queue juste sous mon nez et j'éternuai, juste pour lui dire qu'elle ne me faisait pas d'effet.

- Tu es lassante, Elynwee.

Je sortais de son cercle et fis volte-face, faisant pivoter mes sabots dans la boue.

- Tu es belle certes, affriolante, certes. Mais je suis ton père. Je ne veux pas saillir ma fille. Bien que, ça te ferait une bonne correction.

Un sourire coquin étira mes lèvres. Oh oui ...
Je ronflai. Puis m'approchai et collais mes naseaux contre les siens, le regard plongé dans le sien.

- N'est ce pas ? lui demandai-je tout bas.

Je le lassais. C'était drôle. Ma queue lui fouetta la croupe avant qu'il ne sorte du cercle, vicieux oserais-je dire. Je m'arrêtais, fasse à lui, arquant l'encolure, avant de dire:

« Peut être que oui. Peut être que non. Et j'opte pour la deuxième partie de la phrase. » murmurais-je avec un sourire aux lèvres.

Nos naseaux étaient collés ensemble, nos regards plantés l'un dans l'autre. J'étais calme, décontractée. J'aimais avoir des réponses, le pousser à bout. C'était un devoir que je m'efforçais d'exercer et j'y parvenais parfaitement.
Je sentais l'air chaud sortir de ses naseaux, je restais silencieuse et impassible. Je remarquais alors que quelques rayons de soleil perçaient les nuages noirs. Lui avais-je redonner courage, à l'Astre du jour? Faisait-il désormais fasse à cette soumission? Je piaffais avec mon antérieur droit, éclaboussant légèrement les jambes avant de l'étalon bai.

« Mais oserais-tu? » murmurais-je profondément, après un long moment silencieux.

je soufflai puissamment sur ses naseaux. Elle était vraiment provocante. En fait, c'est ce qu'elle voulait. Me provoquer. Je m'en doutais bien. Peut être qu'au fond, elle avait réussi. Pourtant, je n'en montrais rien, restant impassible à tous ses gestes, à son contact doux et attirant. Je ne saillirais pas ma fille. Je ne veux pas d'une descendance consanguine.

- Non.

Un non franc. Je ne m'en cachais pas. Pourquoi s'en cacher ? Après tout, c'était mon choix. Je reculais de quelques pas, puis commença à faire le tour de la jolie grise. De ma jolie grise. Oui, celle là, elle était bien de moi. Oh oui. Je lui pinçai la croupe en revenant devant elle, frôlant son corps.

- Tu ne devrais pas me chercher comme cela.

Je m'éloignais de quelques pas. La tension était presque palpable. C'était ... Désagréable et en même temps agréable. Mon sang bouillait dans mes veines. L'adrénaline montait dans ma tête. Je fouettai mes flancs avec violence, tournant le dos à Elynwee.

Je fut assez intriguée de voir à quel point il ne cherchait pas à me posséder. Une sorte de respect au fond? Je l'ignorais. Mais ce petit manège me plaisait. Sa seconde phrase, après son "non" franc, me fit sourire.

« Alors tu ne cherche plus à posséder la première jument qui n'est pas avec toi. Étonnant. Tu ne verras donc aucun inconvénient à libérer les juments qui souhaitent quitter ton harem? Mais si on parle de toi et de moi, je me demande bien ce qui te pousses à refuser... Au fond, tu en as envie. Je le sait. Pas une jument ne quitterait la plaine sans attendre un de tes enfants. » déclarais-je en perdant mon sourire.

J'étais désormais sérieuse. Il commençait à s'éloigner, sans même chercher à me soumettre. Il était minable. Trouillard. Lâche.

« Alors c'est tout? Je ne pensais pas que tu étais aussi lâche. » déclarais-je.

Mes chaleur se firent alors subitement sentir. De toute façon, la plaine était remplie de ce genre d'odeurs. Des odeurs de juments en chaleur. Et il y avait aussi quelques odeurs de morts, de combat.
Mes oreilles étaient droites, je l'observais de dos, cet étalon au physique si musclé et développé.

Je soupirai. Elle ne comprenait pas. Elle était restée fixé sur cette idée que je cherchais à saillir toutes les juments. Même elle.

- Elynwee tu es ma fille. Quand je saillis une jument, c'est pour avoir une descendance digne de moi. Pas pour avoir des malades mentaux à force de croiser mon sang avec mon sang.

C'était pourtant logique.
Je dilatai mes naseaux. Les chaleurs rien que ça ... Un tic nerveux me fit secouer la tête. Je ronflai. Je me retournai, lui faisant de nouveau face.

- Penses ce que tu veux de moi, ça ne m'affectera pas.

Je souriais, amusé. Elle se prenait vraiment pour ma pire ennemie ou quoi ? Ce n'était qu'une jument. Ce n'était que ma fille. Cette bannie. Tout simplement. Je plantai mon regard dans le sien, calme.

« A force? » disais-je aussitôt qu'il eût terminé sa phrase.

Je fronçais les sourcils. Son aveu était intéressant. Je le regardais sans broncher, avant d'ajouter d'un ton légèrement moins patient:

« Tu l'as donc déjà fais. » déclarais-je en le toisant, le prenant presque de haut.

Je venais me mettre de nouveau fasse à lui, la tête haute et fière, droite. Mes oreilles étaient dressées, et j'attendais qu'il me réponde.

« Ça y'est... J'ai compris l'erreur de ton père. Il a du être aveugle le jour où il a saillie ta mère... C'était peut être la sienne? Ou bien une de ses sœurs? Une de ses filles? Ce qui a générer un malade mental tel que toi. »

Je me fichais royalement de le blesser ou pas. Je savais juste ce que je voulais, le reste m'importait peu.

- Bien sûr que non ! déclarai-je agressivement.

Jamais je ne pourrais toucher à mes filles. Peut être les générations suivantes. Mais pas mes filles. Génétiquement, pour moi, c'était impossible ... Je ne voulais pas de psychopathes dans ma lignée. C'était pourtant clair.

- N'insultes pas Altaï.

Je la toisai à mon tour, claquant des dents devant ses naseaux. Oh et puis ... Pourquoi pas ?
Soudainement, je lui attrapai le bout du nez, la mordant. Fort. Puis je lâchai prise. Ce n'était qu'un avertissement.

- Tu ne devrais pas aller plus loin, Elynwee.

Je me retournai encore, observant l'horizon. Elle commençait sérieusement à me taper sur les nerfs. Mais je ne voulais pas la tuer maintenant. Ce ne serait pas très drôle. Contre qui j'allais me battre ensuite ? Non, il fallait que ça dure.

Ça avait marché. Quelques minutes auparavant il m'avait assuré que rien ne le toucherait. Rien ne le blesserait. Mais ça n'avait pas été le cas, ce dernier m'ayant défendu d'insulter Altaï. Il me pinça les naseaux, fortement. Je lâcha alors un ronflement, ne réagissant pas tout de suite. Il se détourna une nouvelle fois, et un regard pétillant de malice s'illumina dans mon regard. Le jeu commençait. On allait s'amuser, c'était certain.
Sa menace me fit pleinement sourire, et aucunement peur. J'étais prête à en rire si on me le demandait. Je pris un puissant galop, passant aux côtés du bai, je lui mordis d'abord la croupe avec toute la force qu'offrait mes mâchoires, puis j'hurlais dans le vent:

« Sinon quoi? »

Je passais à une telle vitesse près de lui qu'un appel d'air se fit, soulevant un instant ses crins dans la direction que je prenais. Je gardais un regard obstiné et têtu, m'éloignant au triple galop du bai, attendant la suite, bien que je me doutais que notre rencontre s'arrêterait là. Quoique. On pouvait toujours être surpris, non?

Au contraire, j'avais tenu parole. Ce n'était pas moi qu'elle avait injurié - peut être un peu ... - mais aussi mon père. Et ça, je ne le pardonne pas.
Je sursautai quand elle me pinça la croupe. La garce ! Mais, la jument grise s'éloigna, passant en coup de vent près de moi. Je me retournai et criai à son égard.

- Cette fois-ci c'est toi qui es lâche, ma fille !

Car c'est bien elle qui s'éloignait au triple galop. Avait-elle peur de mon courroux ? De mes dents de mes sabots ? Si non ... Elle devrait. La colère me donnait une force phénoménale. Au contraire, quand j'avais peur, je devenais aussi faible qu'un poulain. Mais je prenais sur moi, pour ne jamais ressentir la peur. Je savais que c'était une de mes faiblesses.

Je me redressai, droit et fier, le regard dur.

Après quelques sauts excités, quelques bonds, je m'arrêtais, bien loin du bai. Ses paroles me firent sourire. Il ne savait pas ce qu'il disait. J'avais pris ce galop m'apprêtant à partir, mais je tenais à m'assurer qu'il ne se passerait plus rien pour aujourd'hui. Je m'étais pas mal amusé tout de même, à quand la prochaine fois? Je me cabrais légèrement, lançant un hennissement perçant destiné uniquement à Altaïr. Puis mes postérieurs me lancèrent en avant dans un puissant élan, un ultime bond à partir duquel je repris mon galop fougueux, en direction de mes terres.
Lançant un dernier regard furtif, je voyais le bai disparaître au loin, au fur et à mesure que je m'éloignais...

Elynwee s'arrêta, cabra et hennit, pour moi. Elle me saluait ? Elle me saluait ... Un sourire amusé s'afficha sur mon visage, d'un seul coup, toute colère avait disparu. Celle là alors ... Elle en avait des tonnes à me montrer, des vertes et des pas mures ! Amusante. Je savais que je la reverrais.
La jument reprit sa course, je renâclai, mécontent. Pourquoi n'était-elle pas revenue jouer avec moi ?

Patience me dit ma conscience. J'aurai d'autres occasions surement. D'autres occasions. Qu'elle s'occupe bien de son clan, tant qu'elle en avait encore le temps. Les Marraks seront bientôt à mes sabots. Ce n'était qu'une question de ... Temps. Toujours de temps ... Si je pouvais le contrôler ... Aah ... Le temps.

Je piétinais le sol, puis fis volte-face, m'éloignant à mon tour, au petit trot, dans une allure relevée.
Ce jeu ne faisait que commencer.