Un astre bien complexe.... LIBRE

La fin de journée démarrait, et le soleil ne semblait pas pour autant vouloir disparaître. Il étincelait sur la ligne d'horizon, de mille feu. D'une couleur dorée magnifique. La chaleur s'était faite sentir toute la journée, indiquant le cœur même de l'été. J'aimais cette saison, même si la canicule était dure à supporter. Je veillais régulièrement à ce que les trois points d'eau du territoire ne tarissent pas. Ce n'était pas encore le cas, tant mieux.

Après avoir tourné longuement sur le territoire afin de le surveiller, en quête d'une anomalie, je décidais de m'arrêter au Lac Miroir afin de m'y rafraichir. Je marchais d'un pas calme, promenant mon regard sur l'environnement. Je me dirigeais alors vers l'eau, et entra mes antérieurs dans le liquide transparent jusqu'aux genoux puis je baissais ma tête afin de me mettre à boire. Une brise chaude couvrait le territoire, emmêlant mes crins, les démêlants, jouant avec eux. Ma queue était joliment panachée, soyeuse et délicate.
Je songeais alors à la situation du clan, ainsi que des Ynae & des Aelyos. Pour les premiers, c'était, selon moi, des fous cherchant à attirer l'attention. Je ne voyais pas comment on pouvait croire en une divinité à travers une Pythie, dont on ne sait rien, même de l'apparence physique. Un peu dingue non? Et les Aelyos... C'était bien eux que je considérais limite comme des traitres. N'avais-je pas le droit de dire au revoir à mon frère? Oui j'avais par la suite fais des rencontres, et alors? Il ne s'était rien passé. Je n'arrivais pas à cerner le problème. Mais dans mon malheur, le côté positif est que j'avais réussie à obtenir ma liberté, et j'avais réussie à faire quelque chose de ma vie, et me battre pour une cause. En revanche, lors de ma condamnation à l'exil, je n'avais rien perçu sur la tête de ma mère, l'une des favorites du dominant. Aucun remord, aucune tristesse. Elle m'aurait presque dit "bon vent", si elle avait obtenu la parole.
Je continuais de penser, mais al réalité me tira dans le présent. Je relevais la tête: les buissons frétillaient de l'autre côté du lac. Je ronflais des naseaux, mettant en garde l'éventuel prédateur.
Je ne bougeais cependant pas, laissant mes jambes dans l'eau, mon regard guerrier parcourant la scène devant moi, prête à réagir.

Bientôt, la chose apparu, et je ne fut guère surprise de découvrir une jument cremello. Mes fines oreilles s'allongèrent sur mon encolure, se mêlant avec mes crins couleur sel et poivre. Le regard scrutait la nouvelle venue, je ne bougeais pas d'où j'étais, je relevais simplement ma tête, prenant une expression méfiante. Mon regard ne quitta pas la crème, attendant de voir ce qui se passerait. Elle n'était en tout cas pas d'ici, et à l'odeur, je devinais qu'il s'agissait d'une Ynae. Mais de là à la situer dans leur hiérarchie, j'en avais aucune idée, et je m'en fichais royalement.
Ma queue fouetta violemment ma croupe, et je restais silencieuse, impassible. Je pourrais rester des heures ainsi, après tout, c'était la première chose qu'un guerrier savait. Il devait se montrer déstabilisant. Que ça marche ou non avec la jument, nous en viendrons certainement aux mots. C'était presque une évidence, à tel point que la question dont la réponse m'intéressait se posa:

« Que faites vous là? Vous n'avez strictement rien à faire ici. » déclarais-je froidement.

Je soufflais avec lenteur sur l'eau, créant des ondes qui s'échappaient rapidement en direction de l'intruse. Mon regard ébène parcourra le corps fin et délicat de la jument, afin de m'imprégner de son physique. Bientôt, je m'imprégnerais de son tempérament. Une douce brise accompagna mes paroles, alors que moi, immobile, je reprenais silencieusement mes pensées, mon jugement, ne perdant pas cependant de vue la jument, plongeant son regard dissuasif dans le sien.

La jument était étrangement calme. Douce. Presque chaleureuse. Je ne la quittais pas des yeux, la laissant parler. Perdu dans ses pensées... Et bien à l'avenir, elle aura qu'à faire attention! Je ronfla une nouvelle fois des naseaux, sortant définitivement de l'eau, m'ébrouant. Puis, plus calme, je repris:

« Je n'avais pas l'intention de me déranger, de toute façon. Qui êtes vous? » demandais-je, légèrement agacée par tout ce blablatage.

Mes propos pouvait être quelques peu... agressifs. Mais je savais bien que les Ynae nous menait souvent en bateau. Il n'était donc pas question de s'attendrir devant une jument égarée. Qu'est-ce qui nous dit qu'il ne s'agit pas d'un piège? Afin de mieux connaître les Marraks? Rien. Il fallait donc rester vigilent. Je piaffa, impatiente. Je pris un pas calme et lent au bord du lac, arrachant par-ci par-là quelques touffes d'herbe. Les roseaux dansaient sous le vent, un poisson sautait hors de l'eau plus loin, et un écureuil bien curieux observait la scène.
Après avoir tranquillement contourné le point d'eau, je me postais fasse à la crème, remarquant que j'étais légèrement plus grande et plus musclée. Rien d'étonnant, de la part d'une guerrière, mais une fois de plus, cela ne voulait pas dire que l'inconnue n'avait rien dans la tête. Et sans doute très rapidement je saurais à qui j'avais affaire. Elle aussi d'ailleurs. Mais peu importe pour l'instant. La jument n'était pas une menace physique, c'était le principal.

Le soleil décidais enfin de disparaître doucement derrière l'horizon, pour bientôt laisser sa place à un ciel étoilé, avec une lune nacrée splendide. Mais pour l'instant, la lumière orangée baignait encore une bonne partie du territoire, et seulement au fin fond du côté Ouest, on pouvait discerner un nouveau ciel bleu foncé. Un hibou commençait déjà son chant, au loin, deux mésanges se disputaient un asticot dodu, un héron pêchait dans le lac. Quoi de plus beau que d'avoir la liberté de parcourir le monde et observer la nature?

La jument cremello, toujours aussi calme et polie, me répondit. Mais pas en ma faveur, et c'était loin d'être la réponse que j'attendais. Un petit sourire amusé s'afficha sur mes lèvres lorsqu'elle me contourna et commença à s'éloigner. Mon regard la suivait, comme un chasseur traque sa proie, et bientôt, elle disparu dans la flore abondante de l'endroit, me remerciant de lui avoir accorder un peu de mon temps, et accueillie. Un sourire presque carnassier, et je bondis au dessus de d'autres buissons, bien plus proches, slalomant entre les arbres dans un galop régulier et délicat. Bientôt je sautais une fois de plus au dessus d'une haie, attérissant sur la petite allée qu'empreintait la jument. Je lui barrais désormais la route.

« Ne vous en faite pas pour moi. Je tiens réellement à savoir à qui je me suis adressée durant quelques minutes, ainsi à qui j'ai accordé un peu de temps. L'interrogatoire prendra fin lorsque j'aurais ma réponse. » déclarais-je plus ou moins fermement.

Un sourire satisfait prit alors place sur ma tête, pendant que je restais en travers du chemin de la belle cremello. La queue toujours panachée, je la sentais glisser avec le vent, délicatement, doucement, sensuellement. Cela m'arracha presque un frisson à peine perceptible. Ma crinière retombait sur mon encolure, et une mèche sur mon chanfrein. Mes oreilles s'étaient redressées au fur et à mesure que les instants avaient passé, et elles pivotaient désormais, écoutant chaque bruit environnant, les bruits d'ambiance. Une tourterelle chantait pas très loin, et un "plouf" retentit. Je devinais qu'un poisson avait sauté au dessus du liquide incolore.

Je restais de marbre face à ses propos. Elle me confirma qu'elle était bien Ynae. Mais ça, je le savais. L'information que je désirais était... son nom! Était-ce si compliquer?

« Je crois surtout qu'il est bien de savoir à qui ont a affaire. » déclarais-je, impassible.

Mon regard tomba dans le sien, se voulant presque hypnotique. Son nom. Je désirais connaître son nom. J'aurais ainsi un nom à mettre sur cette tête. Elle n'allait pas me faire croire qu'elle était sans identité. Peut importe qui elle était au sein de son clan. Une sacrée, une jument normale, ou même la dominante, je m'en fichais. Je voulais juste... Un nom. Et j'étais loin de lâcher prise, têtue comme j'étais. Mes antérieurs étaient légèrement resserrés l'un vers l'autre, tandis que mes postérieurs étaient nettement plus écartés, laissant ainsi une pose assez féminine.
Mes oreilles étaient toujours dressées, très droites, cette fois, en direction de la cremello. Je ne pris pas la peine de répondre à sa demande. Elle savait ce que je voulais, et elle comprendrait que ce n'était pas autrement. Cela l'apprendrait à venir s'égarer sur des terres ennemies. La prochainement, elle prêtera attention.
En attendant la réaction et l'éventuelle réponse de la jument, mon regard suivit un papillon orangé rayé de marron qui passa devant nous durant quelques secondes, et se posa plus loin sur la feuille d'une plante qui bougea sous son poids. Je remarquais alors la texture du sentier: terre humide, retournée à certain endroit, et riche en cailloux et minéraux. Voilà ce qui expliquait la végétation si abondante à cet endroit, alors que les terres Marrak étaient principalement arides.

La crème semblait décidée à ne pas révéler son identité. Et bien dans ce cas, ne sachant à qui j'avais affaire, je ne prendrais aucun risque, et la raccompagnerais bien gentiment jusqu'aux frontières. Elle pouvait être un danger comme inoffensive, elle n'avait en tout cas rien à faire ici.

« Très bien. Alors il est de mon devoir de vous raccompagner jusqu'aux frontières. » déclarais-je en m'approchant d'elle.

Passant à côté, mes dents allèrent lui pincer la cuisse, comme pour la faire avancer. Je lui donna un coup de naseaux dans les côtes, puis je souffla un air chaud, prenant le pas à ses côtés, légèrement en arrière, de sorte que mon épaule était au niveau de son ventre. Au aguets, je restais vigilante, prévoyant une éventuelle fuite. Je la surveillais principalement, veillant à ce qui se passait dans notre dos et autour de nous.

Le feuillage des arbres dansait, illuminé par les derniers rayons de soleil, et peu à peu, la vie du Lac se calmait, devenait de plus en plus silencieuse et immobile. Presque morte. Les chants des oiseaux avaient cessés, on entendait le grabuge d'un hérisson dans les hautes herbes, ainsi que le battement d'aile d'un oiseau qui s'envole. Seul le doux chant du hibou persistait, annonçant l'arrivée de sa journée à lui, la nuit. L'astre couleur poussière se dessinait timidement dans le ciel, les étoiles n'étaient pas encore au rendez-vous, mais bientôt, le territoire fut baigné dans une lumière argentée, douce, belle, élégante.