Au pied du pic [Shadow]

Quel bord... cataclysme. Ma robe était toute couverte de cendre étant donné qu'un coup de vent avait secoué les cimes pleines de suie des arbres et tout m'était tombé dessus. Je me secouais régulièrement mais ça collait à certains endroits si bien que ma robe d'habitude si délimitée avait elle aussi été assombrie.

Une falaise particulièrement impressionnante se dressait à ma droite et je l'observait, perplexe. Non pas que je n'avait pas envie de monter, plutôt le fait que les aigles tournaient autour de leurs nids, farouches et protecteurs. Ce n'était pas méchant, juste l'instinct de survie.

Une carcasse reposait au pied de la dite falaise, étalant ses os blancs à la vue. Seuls quelques lambeaux de peau persistaient et pendaient lamentablement au gré du vent. L'hiver arrivait au galop et les bises ardentes me faisaient frissonner de la tête aux sabots. Mon poil d'hiver avait intérêt à se développer vite puisque la finesse de ma peau, malgré mon endurance, me rendait plutôt sensible au froid.

Les odeurs étaient toutes mélangées, entre l'odeur de la pierre, celle du sol encore brûlé et de quelques chevaux lointains.

Je galopais, crinière au vent. Mes sabots martelaient le sol de la plaine que je traversais comme une folle, leurs vibrations parcourants la terre meuble. Le ciel était gris, l'air lourd, l'atmosphère pesante. Malgré cela, je continuais, inconsciente de la morsure de l'air froid sur ma peau fine. Le paysage défilait devant mes yeux. Le vent sifflait à mes oreilles, et bientôt, j'entendis le doux mugissement de la mer. Peu à peu, le paysage se désolait, et l'herbe verte laissait place à une terre noire. La mer se rapprochait de plus en plus, le sel emplissait mes narines. Soudain, un énorme tronc me barra la route. Je sauta par-dessus sans mal, retombant doucement sur le sol froid. Une rafale de vent m'apporta un nuage de suie qui emplissa mes naseaux et se déposa sur ma robe sombre. Elle s'arrêta en dérapant pour sébrouer, puis repartit de plus belle.

Je ralentissa, passant du galop au trot, puis du trot au pas. Le cris des aigles résonnait dans ma tête comme un avertissement. Elle ne s'en soucia guère et avança tranquillement, guétant la moindre odeur de prédateur. Le sol se parsema de petits cailloux gris, étouffants la moindre petite pousse verte. Le sol devenait abrupte, je distinguai peu à peu des formes tournoyantes. Je m'approcha du bord et découvrit un abyme gigantesque, mortel. Un pas de travers et c'était la mort assurée. Du coin de l'œil, j'aperçus (outch l'orthographe) une forme qui bougeait. Tournant vivement la tête, je vis avec surprise qu'un cheval se tenait là.

|Pourri, pas d'inspi...|

J'avais entendu un martèlement bien caractéristique. Les oreilles en avant, je ronflais et attendais de voir la forme qui allait s'avancer. C'était un cheval, effectivement, sombre, d'odeur moins musquée que celle d'un étalon, donc une jument, je supposais. Je ne comptais pas m'imposer à elle, je n'avais jamais été comme ça et, m'approchant de la paroi, je tentais de trouver quelques lichens consommables. C'était vraiment pas la joie.

Tandis qu'elle approchait, je me contentais de l'observer et de lui accorder un petit grondement, signe de bonjour assez distant. Après tout, si elle voulait me connaitre, elle viendrait me voir. J'attrapais entre mes dents une petite touffe d'herbe sèche. Même si la mer n'était pas loin, la terre avait bel et bien brûlé.

La jument semblait assez jeune et farouche, à peu près mon âge, je suppose. Je ronflais et marchais, portant mon attention sur un aigle qui prenait son envol, sans doute à la recherche d'un rongeur à ramener au nid.

L'automne donnait aux arbres une teinte rouge, signe que bientôt, on ne pourrait même plus manger de feuilles... Et ce serait une vraie misère.

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